

Ce n'est pas un hasard si la duchesse Constance
a prénommé son fils Arthur. Les Prophéties de Merlin, très en vogue à l'époque, annonçaient qu'un jour le roi Arthur reviendrait de l'île d'Avalon pour libérer les Celtes de la domination étrangère sur l'île de Bretagne et rassemblerait de nouveau son peuple sous son autorité. Exactement ce que pourrait faire l'enfant qui venait de naître, à la fois héritier du duché de Bretagne, prétendant à la couronne anglaise et prénommé Arthur... A sa naissance
il est d'ailleurs immédiatement considéré comme
la réincarnation du roi légendaire.
Le règne d'Arthur 1er fut court (1201-1203). Pris dans la tourmente guerrière des deux puissances, la France et l'Angleterre, qui voulaient faire main basse sur le duché, il fut assassiné
à Rouen par son oncle Jean sans Terre.
Celui-ci convoitait la couronne et n'entendait pas laisser « l'espoir breton » réaliser le vœu de
tout un peuple.
Eric Borgnis-Desbordes, enseignant en histoire et géographie, grâce à un manifeste talent d’historien, partage avec nous l’étrange destinée d’un personnage exacerbant l’esprit légendaire, du plus fantasque au plus crédible.
Il ne s’agit pas là d’un conte nourri des prophéties de Merlin, mais bel et bien d’une réalité, celle d’un espoir breton assassiné ou comment un duc de Bretagne aurait pu devenir roi d’Angleterre en étant considéré comme la réincarnation du légendaire roi Arthur.
Après avoir résumé cette fameuse légende, relatée notamment par Geoffroy de Monmouth, l’auteur nous rapporte les témoignages d’une attente messianique chez les Bretons du XIIe siècle avec le retour du roi Arthur.
Eric Borgnis-Desbordes nous prouve assurément qu’il ne s’agit pas là d’un fait mineur ou anecdotique, mais bien d’un évènement majeur qui a changé le cours des nations.
L’auteur nous raconte comment, à la fin du XIIe siècle, les souverains de Bretagne, tentèrent de s’affranchir de l’influence anglaise. Il nous introduit alors dans une période où les Capétiens se voient confrontés à un puissant rival doté d’une forte ambition, Henri II Plantagenêt, tout en soulignant l’influence de la légende arthurienne de cette époque et sa récupération par les différents partis.
De ce que l’on considère comme l’Empire Plantagenêt émane des dissensions, des rivalités entre frères, parfois alliés –avec la complicité d’une mère- contre un père qui lui-même crée matière à divisions familiales.
Il n’est pas excessif de dire que la légende arthurienne constitue le mythe fondateur de l’idéologie Plantagenêt au même titre que l’est le caractère sacré que s’attribue la monarchie capétienne.
Lorsque Geoffroy II, troisième fils d’Henri II, alors marié à la duchesse Constance de Bretagne, meurt dans un accident de tournoi à Paris, son épouse est enceinte de celui qui verra le jour en mars 1187 et qu’elle prénommera Arthur. Ce choix loin d’être innocent, provoque le courroux d’Henri II qui, pour cet enfant, fruit de l’héritière de Conan IV et de Geoffroy de Plantagenêt, aurait préféré qu’il se prénomme Henri, comme le veulent les traditions de noblesse de l’époque.
Arthur de Bretagne constitue une menace. Héritier du duché de Bretagne et pouvant prétendre à la couronne anglaise après le décès d’Henri II en 1189 et des frères ainés de son père, Henri le Jeune en 1183 et Richard Cœur de Lion en 1199. Jean Sans Terre, son oncle, entend faire fi des règles de succession de l’époque et parvient à se faire couronner roi. Ne voulant pas se laisser déposséder, l’affrontement est inévitable, Arthur est capturé par Jean Sans Terre qui ensuite le fait assassiner. Ainsi, en 1203 s’évanouit l’espoir d’un retour légendaire du roi Arthur.
Constance, divorcée de Ranulphe de Chester, l’un des fidèles d’Henri II, épousera ensuite Guy de Thouars, vassal de Philippe Auguste. Une fille, prénommée Alix, naîtra de cette union et sera rapidement promise à un descendant de Louis VI le Gros, Pierre de Dreux. Leurs descendants règneront sur une Bretagne plus ou moins intégrée dans l’orbite capétienne… jusqu’à la guerre de succession de Bretagne, mais ceci sera un autre tournant de l’histoire du duché…
Dramatique page de l’histoire que le destin d’Arthur 1er de Bretagne qui nous est connu sous une forme modeste par les chroniques anciennes et les histoires classiques ou par certains ouvrages romancés qui lui furent consacrés, dont celui de C. Fallet paru en 1859, mais aussi comme le souligne l’auteur, en dernier lieu, dans la pièce King John de Shakespeare.
Il est difficile d’exprimer ici toute la richesse d’un ouvrage, par ailleurs émaillé de citations littéraires, qui nous fait revivre avec une grande rigueur historique et une passion évidente la période incontournable de l’histoire des Plantagenêt. Mais pas seulement, puisqu’Eric Borgnis-Desbordes va jusqu’à imaginer des situations qui auraient pu se produire et leurs conséquences, témoignant là d’une capacité remarquable à extrapoler de manière vivante sur l’identité bretonne pour le plus grand plaisir du lecteur.
S’il peut se valoir ouvrage de référence en faveur d’étudiants, bibliothèques, centres de documentation… il s’adresse également à un public avide d’en apprendre toujours plus sur un mythe bien ancré dans les mémoires bretonnes, ce grâce à une plume érudite et intarissable sur le sujet.
C’est à un ouvrage d’une éminente valeur historique que nous décernons le Prix Mocaër 2013.
Eric Borgnis Desbordes, né en 1965 à Lannion, enseigne l'histoire et la géographie. Il prépare une thèse à l'université de Brest.
Chez le même éditeur :
- Petite histoire des duchesses de Bretagne
- Petite histoire des rois et ducs de Bretagne
- Enquêtes sur les prophéties de Merlin
- Histoire de Bretagne, Le point de vue breton
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